art. 3/ un cerveau sur-entrainé pour laisser la maladie en sourdine
Soeur Mary est née en 1892, et est entrée au couvent des Pauvres Soeurs des écoles de Notre-Dame, à Baltimore, aux États-Unis. Elle décèdera à l’âge de 101 ans, en pleine possession de ses capacités cognitives, alors que les examens cliniques montreront plus tard qu’elle était en réalité atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis plus de 20 ans.
les enfants et leur super-cerveau
Quand un nouveau-né vient au monde, son cerveau possède déjà environ environ 100 milliards de neurones. Il entre alors dans une période dite sensible, jusqu’à l’âge de 4 ou 5 ans, ou chaque stimulation sensorielle (auditive, olfactive, tactile, visuelle et gustative) va permettre de créer des connexions neuronales et participer à son développement cognitif et sensori-moteur. L’enfant naît donc avec un potentiel infini en devenir, car en acte, c’est bien son environnement qui favorisera ou non son développement.
En effet, si l’enfant n’est pas suffisamment stimulé dans cette période sensible de son développement, alors les neurones non sollicitées seront élaguées par le cerveau, n’ayant pas créé de connexions. Ces neurones seront donc perdues et le potentiel de développement de l’enfant sera donc réduit.
Au contraire, si l’environnement de l’enfant est favorable et stimulant, ce dernier utilisera alors ce potentiel cognitif et consolidera les connexions neuronales acquises. Ces dernières deviendront alors solides et permanentes.
EN BREF
Le cerveau de l’enfant est doté de grandes capacités cognitives, mais s’il n’est pas suffisamment stimulé par son environnement dans sa période sensible (0-5 ans), son cerveau s’atrophie et se déleste d’un grand nombre de neurones qui auraient pu contribuer à son développement.
l’hiver arrive, faites des réserves… cognitives !
La réserve cognitive est un terme scientifique qui définit l’ensemble des capacités cognitives forgées et entretenues par les apprentissages, l’environnement, les loisirs, etc. Elle se constitue depuis le plus jeune âge, la période sensible, devrait être entretenue par des stimulations régulières tout au long de la vie et permettrait de ralentir le vieillissement normal du cerveau.
C’est Yaakov Stern, neuropsychologue à l'université Columbia, à New York, qui proposa ce terme en 2002. Son postula est le suivant : tous les cerveaux vieillissent, mais on observerait chez ceux dont l’activité cérébrale et intellectuelle a été intense et soutenue tout au long de la vie, un déclin moins important et moins rapide.
Cette réserve cognitive, bien qu’en partie innée, est constituée avant tout de nos activités quotidiennes, de nos habitudes de travail, comme de loisirs. Ainsi, plus nous stimulons notre cerveau, plus cette réserve cognitive augmente et s’enrichîe.
Certains chercheurs expliquent que ce phénomène est passif, ce qui impliquerait donc que la réserve cognitive est programmée pour s’épuiser avec l’âge et les effets du temps qui passe, ce qui conduirait à une dégénérescence neuronale et donc à l’apparition de symptômes.
Or, Y. Stern soutient que ce mécanisme est aussi actif et de deux manières : les cerveaux sur-entrainés sont capables de résoudre des problèmes en apportant plusieurs solutions différentes, puisant dans leur réserve cognitive diverses stratégies pour résoudre une même tâche, ce qui n’est pas le cas pour un cerveau peu entrainé. De la même manière et face à un dilemme, un cerveau stimulé et entrainé sera capable de mettre en place des stratégies de compensation pour réaliser une tâche qui impliquerait la mise en oeuvre d’un réseau neuronal lésé. Un autre réseau, non spécifique à cette tâche prendra alors le relai, pour permettre son exécution. Ce remodelage du cerveau s’appelle la plasticité cérébrale.
Cette réserve cognitive est donc particulièrement importante pour permettre au cerveau, malgré le vieillissement, de s’adapter, de compenser et de se protéger contre les maladies neuro-dénégératives, car elle agit comme un rempart contre lequel la maladie va se heurter avant d’accéder aux fonctions cognitives en elles-mêmes.
EN BREF
La réserve cognitive se constitue dès le plus jeune âge, s’entretien et s’enrichît tout au long de la vie. Elle est constituée par nos apprentissages, notre environnement, nos loisirs, et forme un mur de protection autour du cerveau, contre les maladies neuro-dégénératives. La musique est un outil particulièrement intéressant pour enrichir notre réserve cognitive et rendre notre cerveau plus résistant.
portrait de soeur mary, enseignante
Soeur Mary est née en 1892, et est entrée au couvent des Pauvres Soeurs des écoles de Notre-Dame, à Baltimore, aux États-Unis. Elle a enseigné les mathématiques jusqu’à l’âge de 84 ans et décèdera à l’âge de 101 ans, en pleine possession de ses capacités cognitives.
En 1986, David Snowdon, professeur de neurologie et d'épistémologie à l'université américaine du Kentucky, décida de mener une étude auprès de 678 nonnes, dont soeur Mary, étude épidémiologique consistant à passer des tests cognitifs réguliers pendant le restant de leur existence. Étant donné le style de vie très proche des participantes de l’étude, le but recherché était d’évaluer avant tout les effets de l’activité cérébrale soutenue sur le vieillissement.
Or, le résultat fut sans appel : les capacités cognitives de soeur Mary étaient exceptionnelles.
Ayant légué son cerveau à la science, l’autopsie de ce dernier a révélé que la mathématicienne était pourtant atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis plus de 20 ans, alors que les tests cognitifs réalisés au cours des 7 dernières années de son existence montraient des résultats excellents.
Cette haute résistance de son cerveau à la maladie s’explique par la richesse de la réserve cognitive constituée par un exercice cérébral assidu et continu, soeur Mary n’ayant jamais réellement cessé d’enseigner, ni de s’intéresser par curiosité ou de lire. La maladie s’étant donc heurtée en première lieu au gigantesque rempart formé par la réserve cognitive, a commencé à détruire les systèmes neuronaux la constituant, pierre par pierre ; sans toutefois avoir le temps d’atteindre le fonctionnement normal du cerveau, en 20 ans de progression de la maladie.
EN BREF
Plus la réserve cognitive est importante, plus elle constitue un rempart solide et difficile à détruire par la maladie, protégeant ainsi le fonctionnement normal du cerveau. Il est donc crucial de stimuler les enfants dès le plus jeune âge et d’avoir une activité cérébrale soutenue et continue tout au long de la vie, en sollicitant notre cerveau au maximum dans les activités de la vie quotidienne, au travail et dans les loisirs pour mieux vieillir. La musique fait partie des activités hautement stimulantes qui peut contribuer à faire de notre cerveau cet athlète résistant aux maladies neuro-dégénératives.